ÉPILOGUE
Un murmure excité monta près de l’entrée du Hangar Royal de la Reine Dragon et se transforma en acclamations. Tenel Ka, Reine Mère du Consortium de Hapes et souveraine incontestée de soixante-trois mondes, se détourna de l’Ombre de Jade. Des dizaines de membres d’équipage et d’équipes au sol en combinaisons ignifugées regardaient à travers le bouclier atmosphérique, levant les poings et criant de joie.
Mais tout ce que Tenel Ka vit par-delà l’ouverture, c’était le royaume constellé d’étoiles sur lequel elle régnait – royaume jonché de carcasses de vaisseaux et traversé par les sillages bleutés des appareils de secours. À ses yeux, ce n’était pas un spectacle réjouissant. Elle avait conservé son trône, mais trop de Hapiens étaient morts des deux côtés, trop de la force du Consortium avait été gâchée dans un combat qui n’était pas le sien.
Et ce n’était pas fini. Bientôt, les services secrets de Tenel Ka lui apporteraient une liste de noms et des prisonniers, et elle serait obligée de rendre la Justice de la Reine. Ses conseillers lui recommanderaient qu’elle soit brutale et rapide. Quant à ses nobles, ils attendraient qu’elle les récompense pour leur loyauté – en leur donnant les terres et les titres des conspirateurs. Tenel Ka prendrait tout en considération, mais à la fin, elle savait qu’elle ferait selon son propre jugement, et que nombre seraient déçus.
Au bout d’un moment, une navette noire de la GAG fit son apparition et pénétra le bouclier. Aussitôt, les hurlements s’intensifièrent et un agent du triage arriva avec ses deux bâtons lumineux pour la conduire à un emplacement. Tenel Ka étendit sa perception et fut alarmée de sentir la présence familière de sa fille à bord.
Jacen lui ramenait Allana, et il n’aurait pu choisir pire moment. Tenel Ka se tourna de nouveau vers l’Ombre de Jade et vit Mara et Jaina descendre la rampe d’accès, portant une litière. Il était trop tard pour appeler Jacen sur son comlink, alors elle utilisa la Force, comptant sur lui pour interpréter son anxiété. Elle le sentit répondre avec chaleur, puis elle dut rompre le contact, car Mara et Jaina arrivaient.
Zekk était allongé sur le brancard, pâle, inconscient et bandé sous la poitrine. Le cœur de Tenel Ka saigna de voir son vieux compagnon d’armes si gravement blessé, mais elle se força à garder un visage impassible. Il ne fallait pas que les nobles « loyaux » de sa cour voient l’un de ses sourcils se hausser ou sa lèvre trembler alors qu’elle avait regardé tant de Hapiens périr avec stoïcisme.
— Maître Skywalker, Jedi Solo, soyez les bienvenues, dit Tenel Ka en s’avançant pour les accueillir, suivie par une équipe médicale. Ma chirurgienne personnelle attend non loin d’ici. Si vous voulez bien confier Zekk aux ambulancières, elles le lui amèneront sans tarder.
— C’est très gentil, répondit Mara. Nous apprécions beaucoup.
— Oui, merci, ajouta Jaina.
Elles passèrent leur charge à deux femmes en uniforme rouge, qui placèrent Zekk sur un traîneau à répulseur et sortirent rapidement du hangar. S’avisant que Jaina les suivait du regard, Tenel Ka s’approcha d’elle.
— Elles prendront bien soin de lui, Jaina.
Elle put sentir que son amie était irritée par le bruit, mais elle n’y pouvait rien. Même si la Reine Mère demandait le silence, elle doutait que quiconque obéisse à son ordre.
— Quand elles auront préparé Zekk pour l’opération, nous pourrons aller à l’infirmerie.
— Ce serait parfait, dit Jaina. Mais ne vous inquiétez pas, Zekk s’est montré aussi fort qu’un bantha ces temps-ci.
Tenel Ka sourit.
— Je suis contente de l’entendre – mais je suis un peu perdue. Ma chirurgienne m’a dit qu’il s’agissait d’une blessure au sabre laser ?
Jaina regarda Mara, puis répondit :
— C’est une longue histoire.
— Ben a commis une erreur, renchérit Mara.
— Ben ? haleta Tenel Ka.
— Il n’a pas attaqué Zekk, expliqua Mara d’un ton qui suggérait qu’elle n’avait pas envie de parler de l’« erreur » de Ben plus longtemps. Il y a eu une certaine confusion à bord du Faucon.
— Le Faucon ? (De plus en plus perplexe, Tenel Ka se tourna vers Jaina.) Je croyais que les Maîtres Skywalker vous avaient trouvés dans une capsule de détresse ?
— Celle du Faucon, répondit Luke du haut de la rampe. (Sa main cybernétique avait disparu et sa robe révélait que lui aussi portait un bandage autour de la poitrine.) Nous n’avons pas encore bien saisi nous-mêmes.
— Maître Skywalker, vous êtes blessé ! s’écria Tenel Ka. Si j’avais su...
— Je vais bien – je sors tout juste d’une transe de guérison, répondit Luke, dont la voix était aussi hagarde qu’il en avait l’air. (Il se tourna vers la navette de la GAG.) Est-ce Jacen qu’ils acclament ainsi ?
— Oui. (Jacen avait fait son apparition et fendait la foule, suivi par le major Espéra – apparemment, Allana était restée à bord avec les aides de cette dernière.) Après avoir détruit la Flotte Galney et m’avoir sauvée, Jacen est devenu un héros aux yeux des Hapiens loyaux.
— Un héros ? cracha Jaina. Vous plaisantez, j’espère !
— Pas du tout, répondit sévèrement Tenel Ka.
Ses sujets accueillaient Jacen si chaleureusement qu’elle commençait à songer à leur révéler qui était le père d’Allana. N’avoir plus à préserver ce secret lui faciliterait la vie, et ses nobles ne seraient jamais si réceptifs à la vérité qu’en cet instant.
— Jacen m’a sauvé la vie – et avec elle, la monarchie hapienne.
Les traits de Jaina se durcirent.
— Et ça l’excuse d’avoir tiré sur ses propres parents ?
Tenel Ka fronça les sourcils.
— J’ai dû mal comprendre. Vous dites que Jacen a tiré sur Han et Leia ?
— J’en ai bien peur, affirma Luke. (Il commença à descendre, suivi par Ben et un Twi’lek en uniforme de l’Alliance.) Le Faucon avait déjà sauté en hyperespace quand nous sommes revenus de Roqoo, mais il semble que l’Anakin l’ait gravement touché.
— Vous êtes sûrs ? (Tenel Ka n’en croyait pas ses oreilles.) Ça n’a pas de sens.
— Nous avons beaucoup de mal à comprendre ce que Jacen fabrique en ce moment, dit Mara, prenant le bras de son mari. Maintenant que les choses se calment dans le Consortium, nous espérons réussir à y voir plus clair.
Le cœur de Tenel Ka se serra devant la désapprobation de Mara et l’amertume de Luke. Après leur entrevue à bord de l’Anakin Solo, Jacen lui avait confié que les Skywalker ne croyaient plus en lui – qu’ils le soupçonnaient même de travailler avec Lumiya – et elle constatait qu’il avait raison.
Elle se tourna vers Ben.
— Que sais-tu à ce sujet ? Je trouve difficile à croire que Jacen puisse ouvrir le feu sur ses parents.
— Il n’avait pas le choix. Ce sont des terroristes et ils essayaient de s’échapper.
— Des terroristes ? (Tenel Ka fut anéantie de l’entendre dire cela.) Ben, c’est faux.
— Non, c’est vrai, dit Jacen, émergeant de la foule de ses admirateurs. Les soupçons de tante Mara étaient fondés.
— Vraiment ? fit celle-ci, fronçant les sourcils.
— Oui – et je m’excuse de ne pas les avoir considérés plus soigneusement. Mais les événements ont prouvé que tu avais raison. Les informations sur la Ducha AlGray fournies par mes parents se sont révélées être un mal plutôt qu’un bien. Ils étaient très certainement impliqués dans l’attentat contre Sa Majesté.
La colère froide dans la voix de Jacen rendit Tenel Ka infiniment triste, mais elle commençait à comprendre. Il avait mal interprété les événements et il en avait tiré une conclusion erronée.
— Jacen, vous ne pouvez pas croire une telle chose.
Tenel Ka réalisa que les curieux s’étaient tus pour écouter ce qu’ils disaient. Alors elle comprit que ses paroles détermineraient le rôle des Solo dans l’Histoire Galactique – si on se souviendrait d’eux comme des héros idéalistes ou des terroristes immoraux.
— Han et Leia Solo ont autant sauvé la couronne que vous l’avez fait, dit-elle d’une voix distincte. Ils ont risqué leur vie pour me fournir les coordonnées de réversion de la Flotte AlGray.
Jacen écarquilla les yeux.
— Vraiment ?
— Oui. Et ils ont pris davantage de risques en s’assurant que la Marine Royale tiendrait jusqu’à ce que l’amiral Bwua’tu attaque.
L’expression de Jacen fut d’abord choquée, puis honteuse, et la tristesse de Tenel Ka commença à s’évaporer. Il était clair que l’attaque du Faucon était le résultat d’un terrible malentendu. Jacen avait commis une grave erreur – mais seulement parce qu’il essayait trop durement de ne pas laisser ses sentiments influencer son jugement.
C’était ce que Tenel Ka espérait – et ce qu’elle décida de croire.
— Je suis sûre que vos parents s’en sortiront très bien, dit-elle, s’adressant à Jaina et à Jacen, mais davantage à ce dernier, car elle savait qu’il s’en voudrait s’il leur arrivait malheur. Je ne connais personne de plus capable dans les situations désespérées. Je vais donner l’ordre à tous mes vaisseaux de les aider, s’ils les voient.
— Ça ne peut pas faire de mal, dit Mara. Mais nul ne les apercevra de sitôt. Ils seront discrets jusqu’à ce qu’ils aient trouvé un endroit sûr où se poser.
Luke acquiesça.
— En effet. Je contacterai Leia dans la Force et j’essaierai de lui faire comprendre qu’elle aura toute l’aide nécessaire en cas de besoin. (Il se tourna vers Jacen, plissant le front dans une expression désapprobatrice.) Nous devons parler. Tu imagines très vite le pire quand il s’agit de ceux que tu aimes – c’est un problème.
Le regard de Jacen brilla de ressentiment – et Tenal Ka comprit pourquoi. Après tout, Luke ne faisait-il pas de même au sujet de Jacen et de Lumiya ?
— C’est injuste, Maître Skywalker. Les soupçons de Jacen étaient basés sur les informations qu’il avait alors.
— La différence, c’est que nos soupçons n’ont mis personne en danger. Jacen a failli tuer ses propres parents. (Luke jeta un regard significatif à la cour de Tenel Ka.) Mais peut-être devrions-nous poursuivre en privé, à bord de l’Ombre.
— Si vous y tenez.
Son ton suggérait qu’elle lui faisait une faveur, mais elle était soulagée. Si les Skywalker et Jaina ne traînaient plus dans le hangar, elle pourrait faire sortir Allana de la navette. Étant donné l’abîme qui s’était ouvert entre Jacen et sa famille, mieux valait ne pas révéler qui était le père de sa fille, après tout.
— Je vous rejoins dans un instant. J’ai une dernière chose à faire.
— Bien sûr.
Luke s’inclina et conduisit les autres à bord de l’Ombre. Tenel Ka attendit qu’ils soient partis, puis elle se tourna vers les curieux.
— Et vous pensiez que la politique hapienne était tortueuse ! dit-elle d’un ton faussement léger. (Il y eut quelques rires polis, plus pour saluer la tentative de la Reine Mère que parce qu’elle était douée pour les plaisanteries.) Mais le spectacle est fini. Retournez au travail !
La foule commença à se disperser. Tenel Ka regarda ensuite les nobles qui ne manquaient jamais de s’agglutiner autour d’elle quand elle l’autorisait. Elle fit signe au major Espéra d’approcher et se rembrunit quand elle ne vit pas un visage terriblement familier.
— Où est Dame Galney ? Je lui avais dit de ne pas s’éloigner.
Une voix nerveuse s’éleva du dernier rang :
— Ici, Majesté.
Comme par magie, la cour s’ouvrit pour révéler le chambellan. Celle-ci avait les yeux rivés au sol et le menton baissé. La Force se teinta d’anticipation électrique – ces rapaces qui se donnaient le nom de nobles sentaient déjà l’odeur du sang.
— Avancez, je vous prie. Il y a quelque chose que je voudrais que vous fassiez pour moi, le major Espéra et vous.
— B... bien sûr, Votre Majesté.
Galney obéit, ses jambes tremblant si fort qu’elles faillirent se dérober sous elle deux fois. Les autres la regardaient avec des sourires narquois, se disant qu’elle allait recevoir un juste châtiment, car elle avait l’infortune d’être la sœur de l’un des pires membres du Conseil de l’Héritage.
Galney s’arrêta en face de Tenel Ka, puis trouva la force de lever les yeux.
— Si vous le permettez, Votre Majesté, j’aimerais dire un mot avant que vous ne parliez.
— Bien. Mais je n’ai pas beaucoup de temps. Ces Jedi peuvent se montrer si arrogants !
Les nobles gloussèrent, mais Galney ne se détendit pas, restant nerveuse et sombre.
— Je sais que ça ne changera rien à votre décision, mais je tiens à m’excuser.
Tenel Ka croisa le regard de l’autre femme et fronça les sourcils.
— Pour quoi, Dame Galney ?
— Mon rôle dans tout ceci. Je n’aurais jamais...
— Dame Galney, coupa-t-elle. Je ne suis peut-être plus un membre de l’Ordre Jedi, mais je vous assure que j’en ai toujours les capacités. Ne croyez-vous pas que je l’aurais su si vous aviez voulu me trahir ?
— Bien... bien sûr, répondit la noble, perplexe. Mais je l’ai fait. Je parlais trop devant mon consort, qui répétait tout...
— ... à votre sœur, interrompit Tenel Ka. Je sais – et je suis certaine que c’est une erreur que vous ne referez jamais plus. (Elle coula un regard vers l’Ombre.) Maintenant, puis-je émettre ma propre requête ?
Galney baissa la tête de nouveau.
— Évidemment, Majesté.
— Merci. (Elle montra la navette de Jacen.) Allana est toujours à bord, et vous êtes un visage familier. Je voudrais que le major et vous alliez la chercher et la conduisiez à votre cabine.
Galney ouvrit de grands yeux.
— Ma cabine, Majesté ?
— Oui, et que personne n’entre jusqu’à ce que j’arrive. (Tenel Ka se tourna vers Espéra.) Est-ce bien clair, major ?
Espéra avait l’air aussi perplexe que Galney, mais elle avait trop l’habitude d’obéir aux ordres.
— Oui, Majesté.
— Parfait. (Tenel Ka regarda Galney.) Je vous rejoins dès que possible.
Celle-ci semblait interdite.
— Majesté, si vous essayez de m’épargner la peine de connaître...
— Dame Galney, je ne suis pas ma grand-mère, coupa Tenel Ka. Je ne fais pas exécuter mes sujets pour les crimes de leurs sœurs. Quant à votre consort – nous reparlerons de vos choix en matière d’homme une autre fois. (Elle s’adressa à Espéra.) Mes instructions sont-elles claires, major ?
— Oui, Majesté.
— Bien, alors allez-y. (Tenel Ka commença à monter la rampe d’accès de l’Ombre, puis elle se tourna vers sa cour.) Si vous êtes à bord de la Reine Dragon, c’est pour une raison précise. Je vous conseille de la trouver – et de commencer à agir en fonction de cette réponse.
Il y eut un silence stupéfait, puis les nobles dames se précipitèrent vers les sorties. Tenel Ka sourit, songeant qu’elle avait une petite chance d’amener Hapes dans la galaxie moderne.
Quand elle entra dans l’opulent salon de l’Ombre de Jade, la conversation allait déjà bon train. Luke et Jaina se tenaient d’un côté de la table, Jacen et Ben de l’autre, et Mara était entre les deux groupes, ayant l’air de vouloir que tout le monde s’assoit pour discuter calmement.
— ... supposés croire, Jacen ? demandait-elle d’un ton posé mais ferme. Tu nous as envoyés là-bas pour retrouver Ben. Et c’est Lumiya qui nous attendait pour nous tendre une embuscade.
— Ça ne veut pas dire que je l’ai envoyée, répondit-il, et Tenel Ka sut qu’il était en colère, parce qu’il se fermait toujours dans ces cas-là. Vous aviez dit vous-mêmes que vous craigniez qu’elle ne soit après Ben !
— Mais il n’était pas là, dit Luke.
— J’étais supposé y être, coupa l’intéressé. Jacen nous avait laissé une balise-message, ordonnant au Rover d’aller au dépôt de Roqoo, mais nous l’avons ignoré.
— Vous quoi ? fit Mara, se tournant vers son fils.
— Nous avons ignoré l’ordre. (Ben se tourna vers Jaina.) Demandez à Jaina. C’était son idée.
Tous les regards convergèrent vers la jeune femme, qui hocha la tête à contrecœur.
— J’ai beaucoup insisté. Nous devions avertir Ten... euh, la Reine Mère... au sujet de la Ducha.
Ben regarda son père.
— Tu vois ? Ce n’était pas la faute de Jacen.
— Mais tout ça n’explique pas la présence de Lumiya à Roqoo, souligna Mara. Ni pourquoi elle travaillait avec la GAG.
— Je vais mener mon enquête dès que l’Anakin sera de retour à Coruscant. Je souhaite connaître la réponse à cette question autant que toi, je peux te l’assurer, tante Mara, dit Jacen.
— Le peux-tu vraiment ? interrogea Luke, sans quitter son neveu des yeux.
— Évidemment, intervint Tenel Ka, allant se placer près du père de sa fille. Il y a quelques minutes, vous avez reproché à Jacen de juger les siens trop rapidement. Et vous faites la même chose.
Luke fronça les sourcils, clairement irrité, mais Mara soupira et regarda son mari.
— Elle marque un point. Nous n’avons pas plus de preuves contre Jacen qu’il n’en avait contre Han et Leia. La bataille est terminée – peut-être est-il temps de rengainer nos blasters et d’essayer de fonctionner comme une famille.
— Ça me va, répondit Jacen. Je suis le premier à admettre que j’ai commis des erreurs, mais je n’ai jamais cessé de travailler pour le bien de l’Alliance – et vous aussi, je le sais.
Luke considéra les paroles de son neveu un moment avant de prendre la parole.
— Et tes parents ? Ils font partie de la famille eux aussi.
— Je ne peux pas annuler le mandat d’amener, si c’est ce que tu demandes.
Tenel Ka en fut choquée jusqu’au tréfonds d’elle-même.
— Jacen, sans tes parents, je serais morte – et Allana aussi.
Il eut l’air triste, mais son visage resta dur, et elle comprit qu’elle ne pourrait pas le faire changer d’avis à ce sujet. Il était convaincu que son devoir lui imposait d’ignorer ses sentiments pour sa famille et elle trouva cela très douloureux – et un peu effrayant aussi, quand elle se souvint qu’Allana et elle en faisaient partie.
— Je sais ce qu’ils viennent de faire pour toi, mais ils doivent répondre de crimes contre l’Alliance. (Il se tourna vers Luke.) Si Han et Leia souhaitent changer de camp, nous pourrons négocier leur reddition et un confinement approprié.
— Reddition ? explosa Jaina. Confinement ? Ils n’accepteront jamais... !
— Je le sais aussi bien que toi ! coupa Jacen. Mais je ne peux pas annuler le mandat d’amener contre eux, parce que j’aurais l’air d’accorder un traitement spécial à mes parents. Il y a une seule loi, Jaina, et elle s’applique à tous – même aux Solo.
— Ils ont risqué leur vie pour sauver Tenel Ka, objecta sa sœur. Ils ne sont pas des terroristes.
— Mais ils ne sont pas non plus des innocents.
Jaina soupira de frustration, puis se tourna vers Luke pour l’implorer de l’aider. Il regarda le sol un instant, puis il leva les yeux et dit :
— D’accord, mais je n’ai pas changé d’avis au sujet de Ben. Il rentre avec nous à Coruscant.
— Quoi ? s’écria Ben. Pas question ! Jacen est mon Maître !
— Ce n’est pas à toi d’en décider, rappela Luke. Et Jacen n’est pas un Maître.
— Il l’est pour moi. Personne ne connaît mieux la Force...
— Le choix appartient à ton père, dit Jacen, levant une main pour faire taire son jeune cousin, avant de se tourner vers son oncle. Mais est-ce bien nécessaire maintenant que Lumiya est morte ?
— Qu’est-ce qui te fait croire que c’est le cas ? demanda Mara.
— Il y a cinq minutes, vous avez dit qu’elle portait une bombe...
— Qui a explosé après que nous ayons quitté la taverne, rappela Luke. Nous ignorons si Lumiya y était encore.
— À mon avis, la réponse est non, ajouta Mara. La détonation a eu lieu deux minutes après notre départ. Malgré ses blessures, c’était suffisant pour que Lumiya s’échappe.
— Et c’est ce que nous présumerons, termina Luke. Le jour où je glisserais moi-même son corps dans le crématorium, alors je croirais à sa mort.
— Je vois. (Jacen baissa les yeux, qui se firent distants, et quand il les releva sur Luke, il était de nouveau calme et composé.) Je suppose que je dois me fier à votre jugement. Je n’ai jamais rencontré cette femme, après tout.
— Je l’espère, répondit Luke, soutenant son regard.
L’expression de Jacen s’assombrit, mais avant qu’il ne puisse dire un mot, Ben s’interposa entre les deux hommes.
— Bien sûr que c’est vrai ! s’écria-t-il. Jacen essaie de sauver la galaxie, pourquoi suis-je le seul à le voir ?
— Non, Ben, je le vois, répondit Tenel Ka, essayant de faire diversion, car l’orage se préparait. Et je suis sûre que ton père aussi.
Elle chercha le regard du Grand Maître Jedi, mais il fixait son neveu, et elle sentit la tension continuer de monter.
Mara aussi, car elle s’approcha de Ben et lui posa une main sur l’épaule.
— Ben, c’est ce que nous faisons tous. Mais nous ne sommes pas toujours d’accord sur la manière de nous y prendre.
— Et à cause de ça, je ne peux pas rester avec Jacen ? C’est ridicule !
— Non, tu rentres avec nous parce que j’en ai décidé ainsi, répondit Luke avec sévérité. Et si je fais ça, c’est parce que Lumiya m’a dit que tu étais son contact à la GAG.
— Quoi ? s’écrièrent en chœur Tenel Ka, Ben et Jacen.
Puis l’expression de ce dernier devint énigmatique. Ben, lui, était perplexe.
— Et tu l’as cru ?
— Non. (Luke regarda son neveu.) Mais quelqu’un l’a aidée, et jusqu’à ce que nous connaissions son identité...
— ... tu dois rester éloigné de la GAG, termina Jacen. Ton père a raison d’être prudent.
— Mais tu es mon Maître !
— Et je te demande de rentrer avec tes parents jusqu’à ce que j’aie démêlé tout ça. (Jacen regarda Luke, puis ajouta :) Je suis sûr que nous retravaillerons ensemble plus vite que tu ne le crois.
Le cœur de Tenel Ka se serra devant son ton de défi, mais le Grand Maître l’entendit différemment.
— J’espère que nous retravaillerons tous ensemble très bientôt. (Il tendit la main pour serrer l’avant-bras de son neveu.) Je sais que tu n’accepteras pas mon aide, mais si nous pouvons faire quoi que ce soit, contacte-moi. J’ai très envie d’en savoir plus sur Lumiya et ce qu’elle faisait.
— Bien sûr, répondit le jeune homme.
Bien qu’il ne laissât rien filtrer de ses sentiments, Tenel Ka comprit qu’il prenait les paroles de Luke comme une menace.
— Maintenant, veuillez m’excuser. Je dois retourner sur l’Anakin.
Jacen dit au revoir aux Skywalker, puis se tourna vers Tenel Ka.
— Votre Majesté, si tout va bien...
— Oui, répondit-elle. (Elle lui prit le bras et le cœur en miettes l’accompagna jusqu’à l’écoutille.) Jacen, que puis-je dire ? Nous avons une dette envers vous.
— Non. C’est tout le contraire. Grâce à vous et au courage du Consortium, nous avons ôté toute capacité de faire la guerre à Corellia.
Ils s’arrêtèrent avant la porte, où ils n’étaient pas visibles de l’extérieur, mais toujours des passagers présents dans le salon. Et Tenel Ka sut qu’ils n’auraient pas plus d’intimité avant longtemps. Elle prit la main de Jacen.
— Nous vous sommes quand même reconnaissants. Si nous pouvons faire quoi que ce soit, dites-le-nous – et revenez nous voir dès que vous en aurez le temps. Nos sujets vous feront toujours un accueil chaleureux.
— Merci, Majesté. (Jacen s’inclina.) Je n’y manquerai pas.
— Bien. Nous vous attendrons avec impatience.
Tenel Ka embrassa Jacen sur la joue, puis elle lutta contre ses larmes alors qu’il s’éloignait et disparaissait une fois de plus de sa vie.